L’influence de la broderie
L’esthétisation des caractères par la broderie et par la symétrie
Les caractères nüshu, au style ancien et simple, sont intimement liés à la broderie qui était l’apanage, la tradition et le savoir-faire des femmes. La tradition de la broderie sémantique[1] était forte à Jiangyong, les échanges au temple se faisaient sur des chaussons brodés, la tradition des ceintures brodées Yao était très répandue.
Une écriture en forme de losange
Le style oblique de l’écriture venait d’une part directement des gestes de la couture pour les corpus brodés, d’autre part pour le corpus sur papier, les femmes écrivaient, non sur la table comme les hommes, mais sur le coin des fourneaux avec un bout de bambou noirci au feu. La broderie a conditionné l’esthétisme des caractères, traités comme des motifs. La forte part des caractères symétriques est significative, en concordance avec la recherche de la beauté et les techniques de la broderie : les outils employés, l’aiguille et les ciseaux, les schémas de broderie découpés aux ciseaux. Ces variations venant des exigences de la broderie concernent plusieurs centaines de caractères inventés[2].
La broderie dans les minorités ethniques de Chine du Sud
L’art de la broderie sémantique est largement répandu chez les femmes des minorités ethniques du sud de la Chine. D’une part, l’habitude était de combiner des dessins de fleurs, d’herbes, de montagnes, de rivières, d’oiseaux, de papillons, avec des dessins de caractères d’écriture associés à une signification, l’exemple typique étant la ceinture traditionnelle (花带 huadai) qui cousue par quatre devenait la « couverture aux huit trésors »[3] (八宝被). D’autre part, la tradition raconte que les minorités ethniques de la région, Miao, Yao et Dong, possédaient d’anciennes écritures : écriture sur pierre, bois et bambou et que celles-ci auraient perduré après leur disparition à travers la tradition des dessins sur les vêtements des femmes. Ces anciens caractères concerneraient 10% de l’écriture nüshu. Zhao souligne la possible influence des anciennes écritures des Baiyue 百越, celle de la culture des Chu楚文化, dans cet ensemble de métissage historique : « ou bien ce sont les dessins de la broderie qui sont à l’origine des caractères, ou bien la broderie a été un moyen de conserver une ancienne écriture »[4]. La broderie sémantique concernerait 200 à 300 caractères du corpus qu’elle a classifiés.
[1] Cf. Sala, 1995, p.53-60.
[2] Zhao 1995, p.123.
[3] Site nüshu de l’Université Qinghua, 2006.
[4] Zhao, 1995, p.124.