Les coutumes du mariage
La tradition nüshu des fêtes de mariage
Dans le village de la culture nüshu, érigé en 2003 par les autorités locales, trône encore aujourd’hui un vieux palanquin. A l’époque des Qing (17e s jusqu’en 1911), il s’agissait le plus souvent d’un « palanquin des larmes ». Les jeunes filles quittaient un monde d’insouciance, qui s’articulait autour de leurs cercles de « sœurs jurées », d’une vie sociale dans les appartements des femmes situés au premier étage des maisons de fermiers riches de cette région, où les jeunes filles et les femmes se réunissaient à diverses occasions lunaires et pendant les mois d’hiver où les travaux de la vie rurale étaient réduits. Elles brodaient, chantaient et écrivaient ensemble sur des éventails, des petits chaussons, des mouchoirs en tissu, des signes et des dessins de fleurs et d’oiseaux. Dans cette intimité, qui n’était pas secrète, avaient lieu également les performances des contes, des chants, les lectures des textes écrits par les femmes sous forme de poésie et de chants. Mais les appartements du premier étage, ouverts par une fenêtre de bois cloisonné sur l’extérieur et la vie de la rue, abritaient aussi les cérémonies de serments des sœurs jurées, les cérémonies de remise des livrets de mariage.
Les Sanzhaoshu, les livrets de mariage
Les femmes notaient dans ces Livrets des extraits des Manuels de la jeune fille, des chansons qu’elles aimaient à chanter avec leur sœur jurée qui partait se marier et vivre dans un autre village éloigné et ne reviendrait pas souvent les voir, occupée par sa nouvelle vie de mère, d’épouse et de belle-fille qui devait s’occuper de ses beaux-parents, appartenant désormais à sa nouvelle famille. Elle était à jamais perdue pour ses sœurs. Les sœurs jurées y notaient leurs souhaits de bonheur, d’enfants mâles, mais aussi leur douleur d’être séparées, car s’en était fini désormais de la vie de jeune fille libre et riante pour la nouvelle mariée. Elle quittait le pays de l’écriture des femmes.
Quelquefois, les sœurs s’aimaient un peu plus que d’amitié. Alors, la sœur jurée cousait les dessous de la mariée afin que son nouvel époux ne puisse pas la déshabiller le soir des noces. Ainsi elles montraient leur désapprobation pour les mariages forcés, elles montraient qu’elles tenaient à la liberté qu’elles allaient perdre. Parfois même le mariage tournait au drame et on raconte que certaines fiancées emmenaient un petit poignard qu’elles enfonçaient dans la gorge du mari inconnu trop pressé de prendre son dû. Les annales historiques locales racontent que les autorités désapprouvaient ces relations et les usages qu’elles produisaient.
Avant le mariage, les sœurs jurées se réunissaient et chantaient et brodaient ensemble. Elles racontaient les vieilles légendes de la création du nüshu sous les Song (10e s.) , ces jeunes filles intelligentes et belles qui avaient séduit deux empereurs et avaient été emmenées loin des leurs. Alors pour pouvoir communiquer avec leurs amies de cœur, elles auraient inventé une écriture secrète, le nüshu, en s’inspirant des caractères des hommes qu’on ne leur permettait pas d’apprendre.