Les nouveaux usages du nüshu

Dans ce 2eme quart du XXIe siècle, le nüshu évolue en s’insérant dans les nouvelles technologies par l’informatisation de ses caractères. Les transmettrices sont devenues les « gardiennes » du nüshu, et cette écriture est exploitée sur différents supports commerciaux. Quelques femmes la vivent encore comme une alliée et un lien entre femmes.

Comme je ne suis pas une spécialiste des nouvelles technologies, je vous donnerai ici surtout des liens avec des sites qui parlent des nouveaux usages du nüshu et surtout de l’informatisation de ses caractères, vers des sites où vous pouvez trouver des correspondances entre caractères chinois et caractères nüshu, surtout destinés à la calligraphie. Hélas, ces « traductions » rapides ne permettent pas toujours de garder ce qui faisait à mes yeux le « sel » du nüshu, la culture qui en était le vecteur, son rythme poétique en sept caractères qui rimaient, les messages confidentiels qu’il portait d’une soeur jurée à l’autre, le « sel » des larmes des femmes peut-être.

Mais fi de la nostalgie d’un objet d’étude kaléïdoscoique que je n’ai jamais vraiment quitté depuis quinze ans, exerçant une veille sur ses évolutions, au gré de mon temps disponible et de ma vie de femme. Entrons dans le deuxième quart du XXIe siècle, où le nüshu est objet de connaissance mais aussi de commerce, d’échanges mais aussi de simplification, comme toutes les cultures anciennes, pour continuer à vivre, à s’exposer, à être transmis.


Les nouvelles transmettrices : regardez le documentaire sur Arte.TV

On les appelle aujourd’hui les « gardiennes du nüshu ». Même si elles le transmettent encore, le nom a changé, signe des temps.

Un documentaire danois de 2022 est passé sur Arte le 18 avril 2024, il retrace l’histoire de Hu Xin, et de ses liens d’apprentissage auprès de la vieille He Yanxin à Jiangyong, et l’histoire croisée de Si Mu, jeune femme qui trouve dans le nüshu une libération et un développement personnel, où l’on retrouve les bienfaits du nüshu auprès des femmes du temps jadis. Ce reportage de 85 mn aborde le nüshu sous l’angle de l’égalité des femmes, qui est loin d’être gagnée dans le cadre du nouveau patriarcat contemporain à caractéristiques chinoises.

Bon, c’est dommage que le titre sonne entièrement faux, « Le langage secret des Chinoises » – car le nüshu n’est pas un langage mais une écriture, même si des « modèles » littéraires existent dans les textes traditionnels, – car le nüshu n’était pas secret, mais je dirais « confidentiel », et – c’était l’écriture des femmes d’une quinzaine de villages seulement du district de Jiangyong, sauf à considérer que traduire quelques caractères chinois en caractères nüshu sur un dictionnaire digital vaut appropriation. Donc le titre est mal choisi, ce serait plutôt « Deux gardiennes du nüshu » mais le reportage danois (son en français) est très intéressant, bien fait, pour qui s’intéresse non pas aux caractères nüshu eux-mêmes, mais à celles qui les conçoivent encore dans leur essence et leur dimension culturelle d’entraide féminine. On y découvre aussi à travers les images de Jiangyong et celles de Shanghai ou Pékin, le grand écart que cela représente de vouloir faire vivre le nüshu dans le monde d’aujourd’hui.

Documentaire 2022 « Le langage secret des Chinoises » à voir jusqu’au 15 juillet sur Arte.tv


L’informatisation des caractères nüshu

De l’idée qui a commencée à germer en 2008, il aura fallu plus de dix ans pour arriver aux caractères nüshu par ordinateur, en Unicode, Noto nushu, etc… Des 22000 variantes comptabilisées au début, des 4700 caractères recensés par Gong Zhebing dans son dictionnaire, des 1800 standardisés un peu plus tard, ils ne sont plus que 396 caractères digitaux. Leur style effilé n’y résiste pas toujours. Mais heureusement aussi, on peut trouver encore de jolis caractères traditionnels à insérer.

(en cours…)